Jeudis des fiscalistes - Caroline Bosvy - Prélèvement forfaitaire ou barème progressif sur les revenus de capitaux mobiliers : L'étendue du droit à l'erreur résultant du choix de l'imposition
En période de déclarations d’impôt sur les revenus, le Conseil d’Etat confirme dans le cadre d’un recours pour excès de pouvoir que l’option pour l’imposition au barème progressif des revenus de capitaux mobiliers et plus-values de cession de valeurs mobilières, prévue aux dispositions de l’article 200 A du code général des impôts, est irrévocable (Conseil d'Etat, 8ème - 3ème chambres réunies, 05 avril 2024, 490411).
Cette décision met ainsi en évidence l’importance d’examiner avec rigueur l’imposition des revenus considérés afin d’opter pour le choix le plus optimal financièrement lors du dépôt de ses déclarations d’impôt sur les revenus.
Pour mémoire, les dispositions de l'article 200 A du code général des impôts dans leur rédaction issue du 28° du paragraphe I de l'article 28 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018, applicables au cas d’espèce, disposent que : « 1. L'impôt sur le revenu dû par les personnes physiques fiscalement domiciliées en France au sens de l'article 4 B à raison des revenus, gains nets, profits, distributions, plus-values et créances énumérés aux 1° et 2° du A du présent 1 est établi par application du taux forfaitaire prévu au B du présent 1 à l'assiette imposable desdits revenus, gains nets, profits, distributions, plus-values et créances. (...) B. 1° Le taux forfaitaire mentionné au premier alinéa du présent 1 est fixé à 12,8 % ; 2. Par dérogation au 1, sur option expresse et irrévocable du contribuable, l'ensemble des revenus, gains nets, profits, plus-values et créances mentionnés à ce même 1 est retenu dans l'assiette du revenu net global défini à l'article 158. Cette option globale est exercée lors du dépôt de la déclaration prévue à l'article 170, et au plus tard avant l'expiration de la date limite de déclaration ».
Il résulte de ces dispositions que si les revenus de capitaux mobiliers et plus-values de cession de valeurs mobilières qu'elles énumèrent sont en principe imposés au taux forfaitaire de 12,8 %, ces revenus peuvent, sur option du contribuable portant sur la totalité des revenus entrant dans leur champ pour l'année en cause, être imposés par application du barème progressif de l'impôt sur le revenu.
Par plusieurs réponses ministérielles, l’administration fiscale a admis par tolérance la possibilité pour un contribuable d’opter pour l’imposition des revenus considérés au barème progressif postérieurement au dépôt des déclarations de revenus.
En effet, l'administration a d’abord admis, dans le cadre du droit à l'erreur, que les contribuables qui n'ont pas opté pour l'imposition au barème au moment de leur déclaration de revenus puissent le faire en formulant une demande a posteriori, sans pénalité (Rép. Rabault : AN 25-2-2020 n° 24560).
Dans une réponse ministérielle du 24 octobre 2023, l'administration complète sa doctrine en envisageant le cas des contribuables faisant l'objet d'opérations de contrôle conduisant à une rectification des revenus entrant dans le champ d'application du prélèvement forfaitaire unique qu'ils ont perçus (Rép. Klinkert : AN 24-10-2023 n° 3778).
Elle précise que, lorsqu'à raison des revenus et gains entrant dans le champ d'application du prélèvement forfaitaire unique l'option globale pour l'imposition au barème progressif n'a pas été exercée au plus tard avant la date limite de déclaration des revenus ou en l'absence de tels revenus mentionnés sur la déclaration initiale, le contribuable peut, au cours du contrôle conduisant à la rectification de revenus ou gains omis, opter a posteriori pour l'imposition au barème de l'impôt sur le revenu, sur demande expresse de sa part. Dans cette situation, l'option porte sur le montant des revenus et gains rectifiés, ainsi que sur ceux initialement déclarés.
Cette option peut également être exercée, en dehors de toute procédure de contrôle, dans le délai de réclamation, à raison des revenus et gains initialement déclarés.
Dans le cas nous intéressant, les requérants sollicitaient d’abord que soit annulée pour excès de pouvoir la réponse ministérielle publiée au Journal officiel - Débats parlementaires du 24 octobre 2023 en ce qu'elle énonce que l'option pour l'imposition suivant le barème progressif de l'impôt sur le revenu de l'ensemble des revenus de capitaux mobiliers et plus-values de cession de valeurs mobilières et droits sociaux entrant dans le champ d'application du prélèvement forfaitaire unique revêt un caractère irrévocable et que le contribuable qui l'a exercée ne peut plus y renoncer.
A cet égard, le Conseil d’Etat a considéré qu’il ressort de la lettre même des dispositions de l’article 200 A du code général des impôts qu'une telle option revêt un caractère irrévocable.
Il en découle qu'en énonçant que le contribuable qui l'a exercée ne peut plus ensuite y renoncer, en cours de contrôle ou dans le délai de réclamation, la réponse ministérielle en cause ne comporte aucune interprétation formelle de la loi fiscale au sens des dispositions précitées de l'article L. 80A du livre des procédures fiscales.
Les conclusions des requérants étaient donc irrecevables.
En effet, et comme le rappelle le Conseil d’Etat, les réponses faites par les ministres aux questions écrites des parlementaires ne constituent pas des actes susceptibles de faire l'objet d'un recours contentieux. C’est uniquement lorsque la réponse comporte une interprétation par l'administration de la loi fiscale pouvant lui être opposée par un contribuable sur le fondement des dispositions de l'article L 80 A du LPF qu’elle peut faire l’objet d’une contestation (notamment CE 16-12-2005 n° 272618 sect., Sté Friadent France).
A titre subsidiaire, les requérants demandaient l'annulation de trois groupes de mots de la réponse ministérielle en cause ayant pour finalité la réécriture de cette réponse ministérielle pour modifier la portée de l'interprétation qu'elle donne de la loi fiscale, en ce sens que le contribuable ayant exercé l'option pour l'imposition au barème de l'impôt sur le revenu pourrait, au cours du contrôle conduisant à la rectification de revenus ou gains omis, opter a posteriori pour une imposition forfaitaire au taux de 12,8%.
De telles conclusions, qui tendent en réalité à ce que le juge de l'excès de pouvoir annule la réponse ministérielle en cause en tant qu'elle ne donne pas de la loi fiscale une interprétation formelle dans le sens souhaité par le requérant, n’étaient ainsi pas davantage recevables.
Dans ces conditions, le Conseil d’Etat confirme bien que le droit à l’erreur sur l’imposition des revenus de capitaux mobiliers et plus-values de cession de valeurs mobilières ne vaut que lorsque le contribuable a soumis ces revenus au taux forfaitaire de 12,8%, et souhaite par la suite opter pour le barème progressif.
Caroline Bosvy,
Juriste.
caroline.bosvy@arbor-tournoud.fr