Jeudis des fiscalistes - Bilel Hakkar - Une proposition de rectification insuffisamment motivée ne vaut pas proposition de rectification !
Une décision récente du Conseil d’Etat rappelle avec clarté quelles sont les limites à ne pas franchir en matière de motivation par référence des propositions de rectification (CE 3e-8e ch. 9-12-2021 n° 440607).
Lorsque l’administration fiscale adresse au contribuable une proposition de rectification, celle-ci doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation.
Dans l’hypothèse particulière où l’administration redresse une société d’une part, puis, la personne qu’elle identifie comme ayant bénéficié de revenus distribués en provenance de cette société, d’autre part, la jurisprudence admet de longue date la possibilité de motiver la proposition de rectification adressée au bénéficiaire des revenus par référence à la proposition de rectification notifiée à la société dont la copie est annexée.
L’administration peut même s’abstenir d’annexer la proposition de rectification dont elle entend reprendre la motivation et se borner à se référer aux motifs retenus dans une proposition de rectification consécutive à un précédent contrôle et qui a été régulièrement notifiée au contribuable, à la condition qu'elle identifie précisément la proposition en cause et que celle-ci soit elle-même suffisamment motivée.
En la matière, les juridictions favorisent une approche téléologique de la garantie de motivation, en prêtant tout particulièrement attention aux faits de l’espèce, pour déterminer si dans tel ou tel cas, le contribuable a eu une connaissance suffisante des motifs fondant les redressements.
Le Conseil d’Etat a notamment pu décider qu’une proposition de rectification adressée à la société dont le contribuable était le représentant, à une adresse différente de son adresse personnelle, était suffisamment motivée dès lors que le contribuable avait fait référence à cette proposition de rectification dans les observations qu’il avait transmises à l’administration en réponse aux propositions de rectification concernant sa situation personnelle (CE 26-9-2018 nos 406865, 406866).
Toutefois, ces dérogations au principe légal de motivation des propositions de rectification ne sauraient excéder une limite que rappelle ici le Conseil d’Etat, celle selon laquelle la proposition de rectification adressée à titre personnel au contribuable doit renvoyer explicitement à celle qui lui est adressée en sa qualité de mandataire de la société.
Ceci est conforme au principe selon lequel la proposition de rectification doit en principe se suffire à elle-même, la motivation par référence à un acte extérieur qui n’est pas joint, devant demeurer l’exception.
C’est ainsi que dans le cadre d’un recours introduit par le cabinet Arbor Tournoud & Associés, l’administration vient de se désister au stade de la procédure d’appel, prenant acte du fait que la motivation de la proposition de rectification adressée au contribuable était lacunaire.
Le vérificateur s’était ici contenté de faire état en des termes généraux, de la vérification de comptabilité dont cette société a fait l’objet, sans indiquer les modalités de détermination des bases redressées, ni détailler la nature des charges dont la déduction a été remise en cause.
On ne pouvait donc pas parler ici de motivation par référence.
Il aura fallu attendre quelques jours avant l’audience de l’instance d’appel pour que l’administration reconnaisse son erreur, alors même que le cabinet faisait valoir cette irrégularité dès le commencement de la procédure contentieuse.
Face à la récalcitrance des services fiscaux, il n’est pas inutile de faire appel à des experts qualifiés en la matière. C’est pourquoi notre cabinet se tient, évidemment, à la disposition des contribuables qui voudraient explorer la possibilité d’un recours pour leurs dossiers contentieux et contrôles en cours.
Bilel Hakkar,
Avocat.
Contact : bilel.hakkar@arbor-tournoud.fr
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