Jeudis des fiscalistes - Caroline Bosvy - De l’obligation du droit de communication - Précisions sur les exigences de clarté de la demande
La cour administrative d’appel de Lyon précise les exigences liées à la clarté d’une demande de communication des documents sur lesquels s’est fondée l’administration pour établir les rappels mis à la charge d’un contribuable (CAA de LYON, 2ème chambre, 07/10/2021, 19LY01213).
Pour mémoire, les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales prévoient que, lorsque le contribuable lui en fait la demande, l'administration est, en principe, tenue de lui communiquer, alors même qu'il en aurait eu connaissance, les renseignements, documents ou copies de documents obtenus auprès de tiers qui lui sont opposés, afin de lui permettre d'en vérifier l'authenticité ou d'en discuter la teneur ou la portée.
Les documents sur lesquels l’administration s’est fondée pour établir les rappels doivent être communiqués avant la mise en recouvrement.
Cette obligation s’impose à l’administration même si elle suit une procédure d’imposition d’office, comme c’est le cas dans les circonstances de l’espèce (en ce sens notamment : CE 3-12-1990 n° 103101, 8e et 9e s.-s., SA Antipolia).
Le requérant soutenait principalement que l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales avait été méconnu à un double titre, les documents auxquels l'administration a entendu se référer n'étant pas identifiés de façon suffisamment précise et l'administration n'ayant pas répondu à sa demande de communication de l'ensemble des éléments ayant fondé les rectifications.
Il entendait ainsi bénéficier des dispositions de l’article L. 80 CA du livre des procédures fiscales, selon lesquelles le juge prononce la décharge de l’ensemble des rappels lorsque l’erreur dans la procédure d’imposition affecte les droits de la défense du contribuable.
C’est le motif relatif à la demande de communication des documents qui nous intéresse en l’espèce.
A cet égard, l’administration fiscale précise, dans ses commentaires inscrits sous le numéro BOI-CF-PGR-30-10, §310, que « la demande doit être formulée par le contribuable par écrit (y compris par courriel) », et qu’ « elle peut être effectuée sur quelque support que ce soit (sur la réponse à la proposition de rectification, notamment, mais également sur toute lettre séparée) ».
La jurisprudence exige également que la demande de communication des pièces soit explicite (CE 10 juillet 1996, n° 160164).
La question qui se posait en l’espèce était de savoir si la demande effectuée par le contribuable était suffisamment explicite, de sorte que l’administration était tenue de lui communiquer les documents obtenus auprès de tiers.
La Cour a relevé que la demande de communication figurait au sein d’une lettre manuscrite rédigée par le requérant, qui était annexée au courrier de son avocat, lequel ne présentait l’écrit du requérant uniquement comme une lettre d’accompagnement ne contenant que des observations sur les rectifications envisagées.
Cette lettre manuscrite comprenait un certain nombre de pages, les lignes composant chacune des pages étaient « enchevêtrées les unes dans les autres, l'écriture, heurtée, ne permettant pas une lecture fluide et certains mots sont illisibles ».
La Cour observe que le document ne comprend ni plan apparent, ni marges, ni titres, ni alinéas, ni objet et que le contribuable y indique en introduction vouloir raconter sa vie, son parcours, ses soucis personnels et professionnels et précise également que dans le cadre d’une procédure d’imposition d’office, l’administration fiscale n’a pas à répondre aux observations présentées par le contribuable.
Après avoir admis qu’une demande de transmission des éléments ayant fait l'objet du droit de communication de l'administration fiscale avait bien été sollicitée du requérant, la Cour a pu considérer qu’elle était insérée au milieu d’éléments ayant un caractère de confession personnelle ne concernant donc pas la procédure fiscale.
Elle en a ainsi conclu, comme l’avait d’ailleurs fait le Tribunal, que l’administration fiscale ne pouvait être regardée comme ayant été valablement saisie d’une demande de transmission des éléments ayant fait l’objet du droit de communication, au sens de l’article L. 76 B du livre des procédures fiscales.
Par conséquent, la cour administrative d’appel de Lyon a jugé que l’administration fiscale n’avait pas entaché la procédure suivie pour établir les rappels d’une irrégularité substantielle.
Au cas particulier, la Cour s’est attachée à la forme et au contenu de la lettre au sein de laquelle figurait la demande.
Il convient de préciser que les circonstances de l’espèce étaient particulières puisque l’administration s’est comportée de manière quasiment comparable à ce qu’elle est tenue de faire dans le cadre d’une procédure de rectification contradictoire, alors même qu’en l’espèce une procédure d’imposition d’office avait été entreprise.
Le conseil du contribuable a tenté en vain de tirer profit de cette situation.
Il peut être noté que cet arrêt a fait l’objet d’un pourvoi en cassation, enregistré sous le numéro n° 458638.
Il n’est ainsi pas impossible que le Conseil d’Etat ne suive pas la position de la cour administrative d’appel de Lyon et juge au contraire que l’administration fiscale doive prendre connaissance des documents transmis et les examiner, quand bien même la procédure de rectification contradictoire ne serait pas applicable.
La solution de cette affaire sera vivement attendu compte tenu d’une jurisprudence quelque peu rare en cette matière.
Caroline Bosvy,
Juriste.
Contact : caroline.bosvy@arbor-tournoud.fr
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