Jeudis des Fiscalistes - Geoffroy Wolf - La politique transversale de la lutte contre l'évasion fiscale et la fraude en matière d'impositions pour 2021.
19 documents de politique transversale (DPT) ont été institués, relatifs à différentes politiques dont la lutte contre l'évasion fiscale et la fraude en matière d'impositions de toutes natures et de cotisations sociales.
Il peut être retiré de ce document, qui compte parmi les annexes au projet de loi de finances pour 2021, des informations sur les orientations de la lutte engagée par l’Administration fiscale, les méthodes employées et les moyens mis en œuvre, ainsi que les résultats obtenus … parfois saupoudrées d’une petite dose d’autosatisfaction.
L’Administration rappelle l’évidence : la lutte contre l’évasion et la fraude fiscales est un enjeu majeur de souveraineté et de redressement des comptes publics et à ce titre constitue une priorité de l'action publique.
Selon l’Administration, les lois récentes qui ont consacré la distinction entre, d'une part, la régularisation de l'erreur commise par le contribuable de bonne foi et, d'autre part, la lutte contre l'évasion et la fraude fiscales portent aujourd’hui leurs effets. Et si ces deux tâches sont menées par les mêmes services de contrôle, l’Administration estime que ces services « s’approprient progressivement ces évolutions pour mieux adapter leurs réponses aux diverses situations rencontrées : des procédures plus légères pour la rectification d’erreurs et des procédures plus lourdes ou judiciaires sur les dossiers de fraude avérée ».
En dépit de cette affirmation, l’Administration annonce que la lutte contre la fraude demeure une priorité majeure des services de contrôle, et que l'objectif d'amélioration de l'efficacité de la lutte contre la fraude s’appuie sur :
- Une meilleure détection des comportements frauduleux ainsi qu’un ciblage de plus en plus précis des contribuables à contrôler ;
- Le renforcement de l’approche judiciaire des fraudes ;
- Le développement des moyens consacrés à la lutte contre certaines formes de fraude ;
- L’amélioration du recouvrement suite à contrôle fiscal.
Une meilleure détection des comportements frauduleux ainsi qu’un ciblage de plus en plus précis des contribuables à contrôler
L’administration fiscale rappelle qu’elle utilise les nouvelles potentialités de l’exploitation des données (analyse de données et datamining) pour sélectionner les dossiers à contrôler.
La mission requêtes et valorisation (MRV) utilise des données de nature et d'origine différentes toujours plus nombreuses (issues notamment des réseaux sociaux et autres plateformes d’échange), et l’administration développe les modalités de traitement reposant sur le traitement de données non structurées (text-mining) ou a recours à des data-scientists.
Mais l’Administration ne renonce pas aux services de recherche de renseignement fiscal sur le terrain afin de faciliter le recoupement et la mutualisation des informations recueillies avec les partenaires du contrôle fiscal (service judiciaire, police, gendarmerie, organismes sociaux…).
Le renforcement de l’approche judiciaire des fraudes
L’adoption de la loi relative à la lutte contre la fraude en 2018 avait pour but de renforcer les moyens judiciaires mis en œuvre pour détecter et traiter les fraudes les plus graves.
En plus de la brigade nationale de répression de la délinquance fiscale (BNRDF) principalement en charge des fraudes financières, l’adoption de cette loi a renforcé les moyens judiciaires mis en œuvre pour détecter et traiter les fraudes les plus graves et permis :
- La création du service d’enquêtes judiciaires des finances (SEJF), qui visent les fraudes fiscales. Il regroupe à ce jour 241 officiers de douane judiciaire (ODJ) issus de l’ancien service national de douane judiciaire (SNDJ) et 25 officiers fiscaux judiciaires (OFJ) affectés par la DGFiP. Au 31 décembre 2019, le SEJF était saisi de 25 affaires (dont 18 plaintes pour présomption de fraude fiscale) relevant de la compétence des OFJ.
- Une collaboration plus forte avec les services judiciaires.
- La réforme de la procédure de poursuite pénale pour fraude fiscale.
Selon le document de politique transversale, les enquêtes finalisées au titre de la procédure judiciaire d’enquête fiscale ont ainsi permis une fiscalisation à hauteur de 749 M€ de droits et pénalités au 31 décembre 2019 correspondant à 216 plaintes déposées.
En 2019, 1 637 dossiers de fraude fiscale après contrôle (965 dénonciations obligatoires et 672 plaintes déposées après avis favorable de la Commission des infractions fiscales) ont conduit à une saisine de l’autorité judiciaire.
Au cours de la même année, la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC) a concerné treize affaires de fraude fiscale dont deux pour fraude fiscale aggravée. Dans le cadre de ces affaires, quinze décisions de condamnation dont douze peines d’emprisonnement avec sursis et douze peines d’amende ont été prononcées. Les droits éludés d’un montant global de 4,4 M€ ont été payés ou font l’objet d’un plan de règlement.
De même, en 2019, la convention judiciaire d'intérêt public a concerné deux affaires de fraude fiscale dite « complexe », pour lesquels des amendes ont été prononcées pour un montant total de 530 M€.
Le développement des moyens consacrés à la lutte contre certaines formes de fraude
L’Administration indique avoir conscience que la fraude fiscale évolue et nécessite une adaptation permanente.
Cette adaptation concerne les moyens juridiques dans le but de moderniser les méthodes de contrôle et de lutter contre les différentes formes de fraude.
La coopération avec les partenaires de l'administration fiscale (Intérieur, Justice, Douane, organismes sociaux) devrait être facilitée.
La création de la Mission Interministérielles de Coopération Anti-Fraude (MICAF), structure chargée du pilotage des différents Groupes Opérationnels Anti-Fraude (GONAF), a pour but d’améliorer le partage de renseignements entre les ministères différents et de définir des stratégies communes.
L’Administration fiscale dit avoir renforcé son action en matière de lutte contre la fraude à la TVA, mais aussi en matière de fiscalité patrimoniale.
Elle s’appuie notamment pour cela sur la structure de coordination interministérielle et opérationnelle dite « task force TVA » créée en 2014 et la définition d’axes prioritaires et de secteurs « à risque ».
En matière de fiscalité patrimoniale, l’administration s’appuie sur les Pôles de Contrôles Revenus/Patrimoine (PCRP) créés depuis 5 ans ainsi que sur la mise en place de Brigades Patrimoniales (BPAT).
L’administration indique enfin que le contrôle des opérations internationales est une priorité essentielle du contrôle fiscal et de la lutte contre la fraude, qui s’appuie sur une meilleure identification des comportements et opérations frauduleux et une optimisation de la coopération internationale.
Evolution des opérations de visites et de saisies dites « perquisitions fiscales » prévues par l’article L 16 B du LPF
(extrait annexes DPT page 26)
L’administration précise « que sur les 240 contrôles fiscaux externes programmés suite à la mise en œuvre de l'article L. 16 B du LPF et clos en 2019, 86 dossiers ont conduit à des rectifications en matière d’impôts directs à portée internationale. Dans 28 dossiers, les éléments recueillis au cours de la perquisition ont permis de démontrer l’exercice en France par une personne établie hors de France d’une activité professionnelle non déclarée. Le montant total des rappels effectués sur ce chef de rehaussement s'est élevé à 159 M€ en base. Dans 42 dossiers, la perquisition a permis de démontrer une activité occulte ou une opposition à contrôle. Les pénalités appliquées à ces dossiers s'élèvent à plus de 43 M€. Les éléments recueillis ont également permis de démontrer des transferts de bénéfices ou l'application erronée de la territorialité en matière de TVA. Les résultats financiers de ces contrôles s'élèvent pour 2019 à plus de 143 M€ en droits et 80 M€ en pénalités. »
Cela étant, les constats et démonstrations invoqués ci-dessus relèvent principalement de la seule appréciation de l’Administration fiscale, et les chiffres annoncés n’indiquent pas le nombre de dossiers qui font l’objet d’un recours contentieux ou juridictionnel par les contribuables concernés…
L’amélioration du recouvrement suite à contrôle fiscal
L’Administration fiscale considère que le « recouvrement offensif » (sic) des créances doit être considéré comme une partie intégrante de l’action de contrôle fiscal, avec une volonté affichée d’accroître l’efficacité des opérations de contrôle, mais aussi du recouvrement effectif des rehaussements.
(extrait DPT page 13)
Cette volonté d’accentuer les mesures de recouvrement, dans leur nombre et dans leur intensité, se confirme en pratique … et il y a lieu de penser que les contentieux en matière de recouvrement des dettes fiscales vont connaitre un accroissement significatif dans les prochaines années.
Contact : geoffroy.wolf@arbor-tournoud.fr
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