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Jeudis des Fiscalistes - Marie Laure Mascoli - Une éclaircie dans le régime de la preuve en matière de reconstitution de comptabilité CE, 9eme et 10eme ch., 22 juillet 2020, n°424052 et 424062 .

Le 21 janvier 2021
Jeudis des Fiscalistes - Marie Laure Mascoli - Une éclaircie dans le régime de la preuve en matière de reconstitution de comptabilité  CE, 9eme et 10eme ch., 22 juillet 2020, n°424052 et 424062 .

La menace d’une reconstitution du chiffre d’affaires est un véritable fléau pour le commerçant.

On sait en effet que lorsque le contribuable n’est pas en mesure de présenter une comptabilité à l’administration ou que celle qui est présentée est dénuée de valeur probante, le vérificateur est en droit de procéder à la reconstitution du chiffre d’affaires.

Dans une affaire récemment soumise au Conseil d’Etat, un café-brasserie avait fait l’objet d’un contrôle inopiné en 2013 de sa comptabilité portant sur les exercices 2010 et 2011.

Les opérations de contrôle ont fait apparaitre que le bar, bien que doté d’une caisse enregistreuse, comptabilisait globalement ses recettes quotidiennes sur une feuille de papier qu’elle transmettait manuellement à son comptable, qui n’était pas en possession de la totalité des tickets de caisse et des tickets Z.

La comptabilité étant entachée de graves irrégularités, l’administration fiscale a reconstitué le chiffre d’affaires de la brasserie selon la procédure de rectification d’office et notifié des impositions supplémentaires d’IS et TVA pour plus d’1.000.000 d’euros.

Le gérant et associé majoritaire réputé maître de l’affaire n’est pas en reste, puisque les recettes reconstituées de la société non déclarées sont venues alourdir son revenu imposable au titre des « revenus distribués ».

Le vérificateur s’est emparé de la méthode des serviettes (nombre de repas servis chaque jour à partir du nombre de serviettes ressortant des factures de blanchisserie) pour déterminer un nombre de couvert quotidien auquel elle a appliqué un prix moyen de repas à partir des tarifs pratiqués dans l’établissement durant les exercices vérifiés.

Les contribuables, pour contester, se fondaient sur le montant du repas journalier ressortant du ticket Z édité le jour du contrôle inopiné en 2013 pour soutenir que le montant de repas retenu par l’Administration était exagéré et proposer une méthode alternative d’évaluation.

L’administration contestait en répliquant que la société et son associé ne pouvaient se prévaloir de données d’exploitation de la brasserie en 2013 au motif que ces données se rattachaient à une période postérieure aux deux exercices vérifiés.

Le principe d’égalité des armes gouverne la solution consacrée par le Conseil d’Etat le 22 juillet 2020.

Il a en effet été décidé que s’il est loisible à l’administration de se référer, pour ses calculs, aux données d’exercices antérieurs ou postérieurs pourvu que les conditions d’exploitation, établies par tous moyens, n’aient pas varié, cette faculté appartient aussi au contribuable pour critiquer la reconstitution ainsi opérée.

La faculté est ainsi ouverte aux entreprises du secteur de présenter les chiffres de la période suivante pour contredire le montant des recettes reconstituées.

Il reste cependant nécessaire d’apporter des éléments pertinents pour convaincre les magistrats par une méthode alternative : accepter par principe la possibilité au contribuable d’invoquer des données postérieures à la période vérifiée ne préjuge pas de leur caractère probant.

CE, 9eme et 10eme ch., 22 juillet 2020, n°424052 et 424062

contact : marie-laure.mascoli@arbor-tournoud.fr