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Jeudis des fiscalistes - Sophie Morand - Jurisprudence du cabinet - CAA LYON, 7 avril 2022, 20LY00382 - Le juge de l’impôt sanctionne une nouvelle fois l’irrégularité de la procédure d’imposition

Le 21 avril 2022
Jeudis des fiscalistes - Sophie Morand - Jurisprudence du cabinet - CAA LYON, 7 avril 2022, 20LY00382 - Le juge de l’impôt sanctionne une nouvelle fois l’irrégularité de la procédure d’imposition

Depuis plusieurs années, le juge de l’impôt a tendance à restreindre significativement l’obligation de motivation qui pèse sur l’administration fiscale en application de l’article L 57 du LPF.

Selon ce texte, lorsque l'administration adresse au contribuable une proposition de rectification, celle-ci doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations.

Si la motivation par référence à un autre acte de procédure est tolérée, elle reste strictement encadrée.

L'administration doit, en principe, en reprendre la teneur ou annexer les documents auxquels elle se réfère.

Par exception, elle peut tout de même satisfaire à son obligation de motivation, en se contentant de nommer la pièce de procédure de référence, mais à la triple condition (CE, 18 novembre 2015, n°383276 et réaffirmé par CE, 4 décembre 2019, 424178) :

- qu’il s’agisse d’une pièce de procédure régulièrement notifiée au contribuable ;

- qu’elle identifie précisément la proposition de rectification en cause ;

- et que celle-ci soit elle-même suffisamment motivée.

Par exception à la première de ces trois conditions, la proposition de rectification adressée à l'associé d'une société de capitaux bénéficiaire de revenus réputés distribués peut être motivée par référence à la proposition de rectification envoyée à la société – soit à un contribuable distinct - à condition qu'une copie de celle-ci ait été annexée à la proposition notifiée à l'associé ou ait été envoyée à l'adresse personnelle de celui-ci (CE 28-7-2000 n° 189260 ; CE 31-12-2008 n° 296472 et CE 20-3-2013 n° 351235).

Selon le juge de l’impôt, la règle de procédure ne doit plus être appliquée pour elle-même mais pour la garantie qu’elle protège : que le contribuable ait été mis à même de discuter utilement les rectifications envisagées.

Au nom d’un plus grand pragmatisme, la Haute Juridiction a donc a estimé régulière une proposition de rectification adressée au bénéficiaire de revenus réputés distribués qui se référait à la proposition de rectification adressée à la société, sans qu’elle ne soit jointe, que la teneur cette dernière ne soit reprise ou qu’elle n’ait été notifiée à son adresse personnelle (CE, 26 septembre 2018, 406865).

Mais cela a été jugé dans une situation particulière : le contribuable avait précisément fait référence à la proposition 3924 dans ses observations en réponse à la proposition de rectification visant sa situation personnelle de sorte qu’il a pu être vérifié qu’il avait été utilement informé.

C’est ce que défendait la Direction des finances publiques dans l’affaire confiée à notre cabinet.

Une EURL avait fait l’objet d’un contrôle fiscal, à l’issue duquel son bénéfice imposable avait été rectifié et réputé mis à la disposition de son associé unique. Celui-ci avait donc reçu une proposition de rectification l’informant de la réintégration de ces sommes à son revenu imposable. La proposition de rectification adressée à la société était jointe, sans que ses annexes ne soient toutefois notifiées à l’associé.

La Cour, suivant notre argumentation, a reconnu que la motivation de la pièce centrale de la procédure de redressement qu’est la proposition de rectification, faisait en l’état défaut.

Elle relève que la notification adressée à l’associé était, en elle-même, insuffisamment motivée n’ayant pas repris l’ensemble des motifs de faits et de droit lui permettant d’engager utilement une discussion contradictoire avec le service. A ce titre, aucune précision sur les motifs du rejet de la comptabilité n’était reprise.

Mais elle juge plus essentiellement que la motivation par référence est également insuffisante : la proposition de rectification adressée à la société, à laquelle le contribuable n’était d’ailleurs nullement explicitement invité à se reporter, n’était jointe que partiellement. 

L’intérêt de cette décision réside également dans le fait que l’administration défendait la position audacieuse suivante : la réponse à la proposition de rectification adressée à l’associé avait été rédigée par le même avocat que celui qui avait rédigé la réponse faite pour le compte de la société.

Elle en déduisait que le Conseil de la société ne pouvait donc ignorer les motifs des redressements des résultats sociaux, ce qui permettait de pallier en quelque sorte l’insuffisante motivation. Fort heureusement, la Cour n’a pas retenu cette argumentation et a sagement refusé d’apprécier la régularité de la procédure au niveau du Conseil du contribuable.

 

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Sophie Morand,

Avocat associé.

Contact : sophie.morand@arbor-tournoud.fr