Jeudis des fiscalistes - Sophie Morand - Jurisprudence du cabinet - Le juge de l’impôt exige une rédaction de la proposition de rectification qui ne trompe pas le contribuable sur les garanties dont il dispose
Si vous êtes un assidu lecteur de notre revue d’actualités mensuelle, vous savez désormais que notre cabinet a à cœur de défendre avec conviction le respect des garanties offertes aux contribuables qui font l’objet de redressements fiscaux.
Au-delà de la légalité des rectifications proposées par les services vérificateurs de l’administration fiscale, nous nous attachons à vérifier que la procédure de contrôle est régulièrement menée et que les droits de défense de nos clients sont préservés.
Le juge peut en effet prononcer la décharge de rappels d’impôts en litige lorsqu’une erreur a été commise dans la procédure d’imposition et que celle-ci a porté atteinte aux droits de la défense (article L 80 CA du LPF), peu importe que les rectifications soient légalement justifiées.
L’affaire jugée par le Tribunal administratif de Grenoble le 30 septembre dernier est un exemple de l’application de cette règle protectrice.
Pour apporter des rectifications aux bases d’imposition et réclamer les compléments de droits qui lui paraissent exigibles, l’administration doit observer des règles qui varient suivant la procédure d’imposition suivie : contradictoire ou d’office.
La procédure d’imposition d’office est appliquée par exception au principe du caractère contradictoire de la rectification. Elle a pour effet de réduire les droits des contribuables et en cela elle n’ouvre notamment pas de dialogue avec le vérificateur.
Dans l’affaire étudiée, nous nous étions plaints d’un défaut d’information quant à la procédure d’imposition suivie et, vous l’aurez compris, des garanties dont pouvait en conséquence se prévaloir le contribuable.
Le juge de l’impôt rappelle premièrement la règle posée par le Conseil d’État :
- Il appartient à l’administration, lorsqu’elle envisage de rehausser la base d’imposition d’un contribuable, de mentionner, dans la notification de redressement qu’elle lui adresse, la nature de la procédure d’imposition qu’elle entend suivre à cette fin ;
- L’omission de cette mention n’entache, toutefois, d’irrégularité ladite procédure que si elle a eu pour effet de priver le contribuable d’une garantie de procédure dont il était en droit de bénéficier. » (voir en ce sens : Conseil d'État, 9ème et 10ème sous-sections réunies, 24 mars 2006, 260787).
Puis il relève qu’en l’occurrence, l’information de la procédure suivie par le service vérificateur était imparfaitement portée à la connaissance du contribuable. En effet, il était mentionné que les déclarations annuelles de TVA ayant été déposées en retard pour les exercices 2013 et 2014 et en l’absence de dépôt pour la période de mai à décembre 2014, la procédure de taxation d’office prévue par l’article L. 66-3° du livre des procédures fiscales était appliquée.
Or, les rectifications portaient également sur les mois de janvier à avril 2015, pour lesquels des déclarations de TVA avaient été enregistrées dans les délais légaux, de sorte que seule la procédure contradictoire était applicable à cette période. La proposition de rectification était toutefois dénuée de précisions quant à la procédure suivie au titre de ces mois, de sorte qu’il était possible de comprendre que la procédure de taxation d’office était appliquée à l’ensemble des rappels.
Le juge constate alors que « L’absence de précision, dans la proposition de rectification, quant à l’application de la procédure de rectification contradictoire pour une partie des rehaussements opérés a été de nature à induire le requérant en erreur sur les garanties dont il disposait au titre de cette période. ».
Il juge que cela a eu pour effet de le priver de l’ensemble des garanties de la procédure contradictoire dont il était en droit de bénéficier et prononce donc la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée restés à sa charge au titre de la période litigieuse.
C’est un exemple, parmi tant d’autres, de règles de procédure à laquelle l’administration fiscale doit se tenir, sous peine de voir ses rectifications annulées. Notre cabinet se tient à votre disposition pour étudier les propositions de rectification dont vous ou l’un de vos clients seriez destinataires, et s’assurer du strict respect de vos droits.
TA Grenoble, 1903057/2005157, 30 septembre 2022
Sophie Morand,
Avocat associé.
Contact : sophie.morand@arbor-tournoud.fr
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