Jeudis des Fiscalistes - Sophie Morand - Que faut-il penser du nouvel examen de conformité fiscale ?
En 2018, le ministre du budget avait esquissé, dans le cadre de la « relation de confiance » que le gouvernement entendait proposer aux entreprises, le projet d'un examen de conformité fiscale (ECF), consistant à donner certains effets juridiques à un audit fiscal effectué par un tiers certificateur.
Après deux ans de réflexion, cet examen de conformité fiscale vient de voir le jour. Il permet à une entreprise de faire certifier certains sujets fiscaux par un professionnel suivant une procédure normalisée dans les conditions définies par un décret 2021-25 et un arrêté CCPE2035569A du 13 janvier 2021.
L’arrêté CCPE2035569A précise les modalités pratiques de cet examen de conformité fiscale, en définissant dans ses annexes le chemin d'audit et cahier des charges auxquels les tiers certificateurs devront se conformer, et en proposant un modèle de compte rendu de mission ainsi qu’un modèle de contrat à établir entre l'entreprise et le prestataire.
Toutes les entreprises peuvent souscrire à cette prestation, pour chaque exercice fiscal.
Le décret ne précise pas quels sont les prestataires habilités, mais d’après le modèle de contrat fourni par l'arrêté, il pourrait s'agir d'un commissaire aux comptes, d'un expert-comptable, d'un organisme de gestion agréé…
Pour comporter ses effets vis-à-vis de l’administration, l'existence d'un examen de conformité fiscale doit être mentionnée dans la déclaration de résultat souscrite par l'entreprise.
Si un contrôle fiscal ultérieur aboutit à des rectifications pour insuffisance de déclaration sur les points validés, la mention de l’examen de conformité sur la déclaration de résultat produit les mêmes effets qu'une mention expresse, au sens de l'article 1727, II-1 du CGI.
L'entreprise serait donc dispensée de l'intérêt de retard et n'encourt aucune autre pénalité, sous réserve néanmoins de sa bonne foi.
Le contrat établi entre l'entreprise et le prestataire doit prévoir notamment :
- la période sur laquelle porte l'examen de conformité fiscale ;
- les droits et obligations des parties, et notamment la clause résolutoire pour inexécution du contrat ;
- la liste des points constituant le chemin d'audit ;
- la rémunération du prestataire.
Les éléments minimaux du chemin d'audit sont définis par l'arrêté. Ce sont :
- la conformité du FEC (fichier des écritures comptables dans les comptabilités informatisées),
- la qualité du FEC au regard des principes comptables,
- la vérification de l’existence d'un certificat ou d'une attestation individuelle de l'éditeur du logiciel ou système de caisse si l'entreprise est dans le champ de l'obligation de certification prévue à l'article 286, I-3° bis du CGI,
- le respect des règles de base sur le délai et le mode de conservation des documents,
- la validation du respect des règles liées au régime d'imposition appliqué (régime simplifié, réel normal…) en matière d'IS et de TVA au regard de la nature de l'activité et du chiffre d'affaires,
- les règles de détermination des amortissements et leur traitement fiscal,
- les règles de détermination des provisions et leur traitement fiscal,
- les règles de détermination des charges à payer et leur traitement fiscal,
- la qualification et la déductibilité des charges exceptionnelles,
- le respect des règles d'exigibilité en matière de TVA (collectée et déductible).
En l’état du dispositif, et sous réserve de ses évolutions ultérieures, le prestataire peut donc se borner à établir un compte rendu de mission retraçant les travaux réalisés, suivant le modèle défini par l'arrêté, c’est-à-dire l'examen de sujets fiscaux courants pour lesquels il y a généralement convergence entre le droit fiscal et la comptabilité.
Mais il ne s’agit pas, en principe, d’une revue fiscale d’ensemble, et notamment pas d’un examen global des schémas fiscaux dans lesquels l’entreprise est susceptible de s’être engagée.
Ainsi, l’examen de conformité fiscale n’est pas une assurance contre les redressements fiscaux. On sait en effet que les contrôles fiscaux ne se limitent pas aux points visés dans le chemin d'audit défini par l'arrêté (respect de diverses obligations formelles (amortissements et leur traitement fiscal, provisions, charges à payer et charges exceptionnelles, et respect des règles d'exigibilité en matière de TVA collectée ou déductible).
Par ailleurs, même si le prestataire est normalement soumis au respect du secret professionnel, il n’en reste pas moins soumis aux autres règles régissant sa profession, à savoir par exemple l’obligation d’informer l'autorité judiciaire en cas de constatation d'une infraction pénale en vertu de l'article 40 du Code de procédure pénale.
La question se pose par conséquent du comportement attendu des auditeurs vis-à-vis des diverses obligations de signalement auxquelles ils peuvent être astreints (signalement TRACFIN, obligations de déclarer les schémas fiscaux transfrontières, etc.).
Par ailleurs, en cas de rectification, la mention de l’examen de conformité sur la déclaration de résultat ne produira les effets d'une mention expresse exonératoire des intérêts de retard que si l’entreprise est jugée de bonne foi.
Cette bonne foi doit donc s’exprimer à la fois dans les relations de l’entreprise avec l'administration mais aussi dans les échanges avec le prestataire certificateur.
Le prestataire certificateur devra donc être prudent dans la délimitation contractuelle des contrôles à mener aussi bien que dans la détermination du périmètre des informations que l’entreprise devra lui fournir.
Le prestataire est en effet astreint à rédiger un compte rendu, qui devra être adressé à l'administration fiscale au plus tard le 31 octobre de l'année ou dans les six mois du dépôt de la déclaration de résultat.
Bien entendu, le compte rendu de mission doit être conservé par les parties jusqu'à l'expiration du délai de reprise et tenu à disposition de l'administration qui peut en demander la communication.
Ce compte rendu comportera les conclusions du certificateur sur la concordance, la cohérence ou la conformité des informations fournies par l'entreprise avec les règles fiscales sur chacun des points du chemin d'audit.
Lorsque l'examen fait apparaître une anomalie, le prestataire pourra inviter l'entreprise auditée à corriger le point litigieux, le cas échéant, en déposant une déclaration rectificative.
Il pourra aussi rendre des conclusions uniquement sur certains points du chemin d'audit, mais dans ce cas, devra mentionner les autres points comme « non validés » dans son compte rendu de mission.
Dans un tel cas, la mention d’un ECF en cours sur la déclaration de résultats pourrait donc s’avérer contre-productive …
La décision de recourir à ce dispositif ne doit donc pas être prise à la légère.
Contact : sophie.morand@arbor-tournoud.fr
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