Jeudis des Fiscalistes - Bilel Hakkar - Comment concilier procédure de taxation d’office et garantie du recours hiérarchique ?
C’est à cette question, pour partie inédite, que le Conseil d’Etat apporte une réponse dans un avis du 13 octobre 2021, 9e-10e ch. n° 453241, Sté SH78.
La question était la suivante : le contribuable qui fait l’objet d’une imposition d’office bénéficie-t-il de la garantie prévue par la Charte des contribuables vérifiés l’autorisant à s’adresser, au cours des opérations de vérification, au supérieur hiérarchique du vérificateur puis à l’interlocuteur désigné ?
Avant de dévoiler la réponse apportée par la Haute Juridiction à cette question, deux précisions nous semblent nécessaires, l’une sur la notion d’imposition d’office, l’autre sur celle de recours hiérarchique.
L’administration est autorisée dans certains cas prévus par la loi à établir d’office les impositions supplémentaires qu'elle souhaite adresser aux contribuables.
La particularité de cette procédure de taxation d’office est qu’elle permet à l’administration de déterminer d’une manière unilatérale les bases d’imposition à retenir.
Cette procédure exceptionnelle d'imposition d'office présente deux caractéristiques :
- avant l'établissement des impositions, le contribuable est informé des intentions de l'administration mais sans que cette information puisse donner ouverture à un dialogue entre les deux parties ni à l'intervention de la commission départementale de conciliation,
- après l'établissement des impositions, le contribuable peut présenter une réclamation devant la juridiction contentieuse mais à charge pour lui d'apporter la preuve du caractère exagéré de l'imposition.
On perçoit dès lors la problématique induite par la conciliation entre cette procédure, exorbitante du droit commun, et la nécessité d’accorder à tous les contribuables vérifiés des garanties de procédure sur le déroulement de celle-ci.
L’une de ces garanties consiste notamment en la possibilité de solliciter un recours hiérarchique.
La Charte des droits et obligations du contribuable vérifié ouvre en effet au contribuable la possibilité de saisir le supérieur hiérarchique du vérificateur puis l’interlocuteur départemental ou régional à deux moments distincts de la procédure d’imposition : en premier lieu, au cours de la vérification et avant l’envoi de la proposition de rectification, pour ce qui a trait aux difficultés affectant le déroulement des opérations de contrôle, et, en second lieu, après la réponse faite par l’administration fiscale aux observations du contribuable sur cette proposition, pour ce qui a trait au bien-fondé des rectifications envisagées.
Nous disions précédemment que la question posée au Conseil d’Etat était pour partie inédite car celui-ci avait déjà pu décider précédemment que seuls les contribuables faisant l’objet d’une procédure d’imposition contradictoire pouvaient bénéficier du second recours hiérarchique, à savoir celui ouvert après la réponse faite par l’administration fiscale à ses observations sur la proposition de rectification, pour ce qui a trait au bien-fondé des rectifications envisagées (CE 23-10-2002 n° 204052 : RJF 1/03 no 71, concl. P. Collin Dr. fisc. 5/03 c. 61).
En revanche, le Conseil d’Etat émet ici un avis au terme duquel la possibilité de s'adresser au supérieur hiérarchique du vérificateur puis, le cas échéant, à un second interlocuteur en cas de difficultés affectant le déroulement des opérations de contrôle constitue une garantie substantielle offerte à tous les contribuables, quelle que soit la procédure d'imposition qui sera ultérieurement mise en œuvre à leur encontre.
Cette distinction s’explique notamment par le fait que cette seconde garantie, apparaissant dans le chapitre relatif à l’avis de vérification, avant les dispositions concernant le déroulement du contrôle, est présentée comme une garantie générale.
Son objet prophylactique vise précisément à remédier, en temps utile, aux difficultés qui affecteraient le déroulement des opérations de contrôle, dont le contribuable doit faire état dans sa demande de saisine du supérieur hiérarchique ou de l’interlocuteur.
Ces difficultés peuvent prendre diverses formes et notamment avoir trait à un sentiment de partialité du vérificateur, aux modalités du débat oral ou contradictoire ou encore au lieu du contrôle choisi par le vérificateur, pour reprendre les exemples cités par le rapporteur public sous cet avis.
L’ouverture de cette garantie à l’ensemble des contribuables vérifiés, quelle que soit la procédure d’imposition suivie, est évidemment à saluer, même s’il n’est pas inutile de rappeler que la position du Conseil d’Etat ici adoptée faisait déjà l’objet d’un certain consensus entre la plupart des agents de l’administration fiscale et les conseils des contribuables.
Contact : bilel-hakkar@arbor-tournoud.fr
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