Jeudis des fiscalistes - Bilel Hakkar - La rédaction d’un mandat a-t-elle un rôle à jouer dans l’appréciation de la régularité d’une procédure de contrôle des comptabilités informatisées ?
C’est à cette question quelque peu inhabituelle que devra prochainement apporter une réponse la cour administrative d’appel de Lyon dans le cadre d’un dossier opposant un client du cabinet à l’administration fiscale.
Dans ce dossier, l’administration des impôts avait considéré que la comptabilité de la société vérifiée était tenue au moyen de systèmes informatisés, ce qui lui permettait, conformément au droit qu’elle tient de l’article L. 47 A du livre des procédures fiscales, de procéder à des traitements informatiques sur les données conservées.
En pratique, un système informatisé représente une combinaison de ressources matérielles et de programmes informatiques, qui permet l'acquisition d'informations, le traitement de ces informations ainsi que la restitution de données ou de résultats, sous différentes formes.
Seront ainsi qualifiées de systèmes informatisés comptables notamment toutes les caisses enregistreuses dotées de procédés de mémorisation et de calcul, dont les informations, données et traitements concourent directement ou indirectement à la formation des résultats comptables.
A cet égard, lorsqu’elle entend mettre en œuvre des traitements informatiques sur ces comptabilités, l’administration fiscale doit indiquer par écrit au contribuable la nature des investigations souhaitées et doit permettre au contribuable de formaliser, par écrit, son choix quant aux modalités de réalisation des traitements, parmi trois options prévues par le texte.
Nous avions ici élevé un débat relatif au non-respect par l’administration de cette procédure dans la mesure où le vérificateur s’était en l’espèce contenté de remettre la lettre d’option relative au choix des traitements informatiques à l’expert-comptable de la société, à l’exclusion du dirigeant de la société vérifiée.
L’expert-comptable avait alors aussitôt renseigné l’option choisie et remis le courrier au vérificateur, si bien que le gérant n’avait pas été informé des différentes options possibles qui s’offraient à lui, pas plus qu’il n’avait pu effectivement opter.
Il ressortait ainsi des éléments de ce dossier que la société vérifiée n’avait pas été personnellement mise en mesure d’exercer le choix prévu par l’article L. 47 A II du LPF en toute connaissance de cause, faute notamment d’avoir pris connaissance de la lettre d’option et de l’avoir signée.
L’administration objectait qu’aucune irrégularité de procédure n’était caractérisée dès lors que l’expert-comptable était supposément habilité à représenter la société contribuable dans le cadre des opérations de contrôle, invoquant le mandat qui lui avait été donné aux termes duquel la société donnait « mandat de représentation dans le cadre du contrôle fiscal diligenté par vos services ».
Mais en réalité le service occultait sciemment le sens réel de ce mandat dont il ressortait en fait que la société avait donné au cabinet comptable « mandat de représentation dans le cadre du contrôle fiscal diligenté par vos services afin que la vérification fiscale de mon entreprise soit effectuée dans leurs bureaux à l’adresse ci-dessus indiquée ».
Ainsi, l’étendue et la portée de ce mandat étaient clairement circonscrites par les termes « afin que » qui délimitaient précisément et sans ambiguïté les pouvoirs confiés à l’expert-comptable, ceux-ci étant limités à la seule délocalisation du contrôle au sein de ses bureaux.
Il faut préciser que la présence d’un conseil n’est jamais une condition nécessaire à la validité des vérifications des comptabilités.
Par ailleurs, lorsqu’un tel conseil assiste un contribuable au cours de ses discussions avec un agent de l'administration, c'est-à-dire lorsqu'il agit en présence de ce contribuable, ce conseil est dispensé de la production d'un mandat écrit.
En revanche, lorsque le conseil représente le contribuable, c’est-à-dire discute pour son compte et hors de sa présence, ce qui était le cas ici, les agents de l'administration doivent, pour être déliés du secret professionnel, exiger de lui sinon la production d'un mandat enregistré, du moins la remise d'un écrit émanant du contribuable et l'habilitant à agir en son nom, à l’exception des avocats qui n’ont pas à justifier du mandat qu’ils ont reçu de leurs clients.
Or en l’espèce, le mandat dont justifiait l’expert-comptable de la société vérifiée auprès du vérificateur, n’autorisait pas ce dernier à diligenter la procédure de contrôle avec le seul cabinet comptable dans la mesure où ce mandat ne portait aucun pouvoir de représentation à proprement parler concernant les opérations de contrôle elles-mêmes.
Dès lors, la rédaction et l’interprétation de ce mandat étaient telles que le service n’était pas dispensé d’adresser la demande d’option prévue par l’article L. 47 A du LPF à la société vérifiée elle-même et d’attendre sa réponse.
A défaut, l’administration n’a pas mis la société vérifiée en mesure de formuler un choix en toute connaissance de cause parmi les trois options prévues par l’article L. 47 A II du LPF, ce qui, selon nous, constitue une irrégularité de procédure devant entraîner la décharge des impositions mises à la charge de la société.
L’instruction de cette affaire devant la cour administrative d’appel de Lyon ayant d’ores et déjà été clôturée, la juridiction sera selon toute vraisemblance amenée à statuer dans un bref délai.
Il faut dès lors espérer que la Cour entende cette argumentation et s’en tienne, ainsi que le fait la jurisprudence majoritaire, à une interprétation restrictive du mandat, fondée sur les règles civilistes dont il ressort que le mandataire ne peut rien faire au-delà de ce qui est porté dans son mandat (article 1989 du code civil).
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Bilel Hakkar,
Avocat.
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