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Jeudis des fiscalistes - Geoffroy Wolf - Fraude fiscale - nouvelle circulaire du 4 octobre 2021 : le coup d’accélérateur du ministère de la justice sur les poursuites pénales

Le 21 octobre 2021
Jeudis des fiscalistes - Geoffroy Wolf - Fraude fiscale - nouvelle circulaire du 4 octobre 2021 : le coup d’accélérateur du ministère de la justice sur les poursuites pénales

(Circulaire du 4 octobre 2021 relative à la lutte contre la fraude fiscale) 

(Annexes)

Une nouvelle circulaire du 4 octobre 2021 de la direction des affaires criminelles et des grâces du ministère de la justice relative à la lutte contre la fraude fiscale a été publiée au bulletin officiel du 8 octobre 2021.

La circulaire rappelle que la lutte contre la fraude fiscale représente un enjeu majeur pour l’autorité judiciaire, dont le rôle dans la répression des auteurs de fraude fiscale s’est progressivement renforcé en France mais également contre les montages internationaux par l’instauration d’un échange automatique d’informations entre États en matière fiscale.

A ce titre la loi du 23 octobre 2018 a prévu la dénonciation obligatoire de certains faits par l’administration fiscale. Rappelons qu’avant cette Loi, l’administration fiscale disposait seule de l’opportunité de poursuivre pénalement les faits de fraude fiscale après avis favorable de la commission des infractions fiscale (CIF), dispositif appelé « verrou de Bercy ». Depuis 2018, l’administration fiscale a l’obligation de dénoncer au parquet certains faits, le parquet retrouvant dans ce cas ses pouvoirs autonomes de poursuite.

La circulaire dresse le bilan de l’année 2020, durant laquelle 823 dossiers ont fait l’objet d’une dénonciation obligatoire aux parquets par les différents services de l’administration fiscale, auxquels se sont ajoutées 408 plaintes après avis favorable de la CIF ainsi que 41 plaintes sur présomptions caractérisées de fraude fiscale, soit 1272 dossiers. La circulaire précise qu’en 2018, 823 dossiers au total étaient transmis par la direction générale des finances publiques (DGFiP), marquant une nette augmentation du nombre des dossiers poursuivis pénalement, alors même que l’année 2020 a été marquée par la crise sanitaire…

Même si la circulaire rappelle que le législateur a entendu réserver l’intervention de la justice pénale aux cas de fraudes fiscales les plus significatifs, la pratique montre que les critères permettant de caractériser la gravité des faits sont suffisamment larges pour laisser une très grande latitude à l’administration : un dossier récemment défendu par le cabinet devant le Tribunal correctionnel portait sur moins de 50 000 € de TVA !

La circulaire fixe les lignes directrices de la politique pénale en matière de fraude fiscale qui se décline selon trois axes :

 

-          1er axe : la mobilisation de l’ensemble des juridictions dans la lutte contre la fraude fiscale

Si, de façon évidente, les juridictions spécialisées que sont la juridiction nationale chargée de la lutte contre la criminalité organisée (JUNALCO), les juridictions interrégionales spécialisées (JIRS) et le parquet national et financier (PNF) sont appelées à être mobilisées dans les situations de grandes ampleurs ou les plus complexes, la circulaire insiste sur le fait que les parquets près les tribunaux judiciaires non spécialisés sont amenés à traiter la plupart des dossiers de fraude fiscale.

La fraude fiscale est donc susceptible d’être poursuivi dans tous les tribunaux de France, y compris les plus petits, et les petites juridictions sont appelées à participer à l’effort de lutte contre la fraude fiscale.

Dans ces parquets non spécialisés ont été désignés des « référents fraude fiscale » chargés de favoriser les échanges avec l’administration fiscale et sensibiliser les services d’enquête pour favoriser, dixit la circulaire, « un traitement réactif et efficace des procédures ».

Le comité opérationnel départemental anti-fraude (CODAF) doit quant à lui notamment permettre dans chaque département, en lien avec les services locaux de l’administration fiscale, de faire émerger des axes et cibles de contrôle partagés par les services fiscaux, le parquet et les services d’enquête.

La circulaire demande aux procureurs de la République de s’assurer d’une réponse dynamique aux signalements, dénonciations obligatoires et plaintes transmises par l’administration fiscale ainsi qu’aux transmissions de TRACFIN portant sur des faits de blanchiment de fraude fiscale.

Ainsi il doit être envisagé un accroissement du nombre de poursuites pénales des irrégularités fiscales, mais également des poursuites pénales contre des faits qui n’étaient que peu poursuivis pénalement jusqu’alors ou dans des territoires ou les tribunaux correctionnels étaient peu saisis de ce type d’infraction.

 

-          2ème axe : le déploiement de stratégies d’enquête efficaces

Ces stratégies s’appuient sur le traitement préalable par le ministère public et l’attention qui doit être portée au volet patrimonial et social des enquêtes.

Ainsi les procureurs sont invités à mettre en place avec l’administration fiscale des rencontres opérationnelles régulières pour échanger, notamment, sur la sensibilité particulière de certains dossiers (procédé de fraude inhabituel, ampleur du préjudice, caractère sériel, exemplarité, etc.) et une fiche d’accompagnement des dossiers afin d’aider les parquets et les services d’enquête à mieux appréhender les affaires particulières ou qui révèleront une fraude fiscale grave ou complexe.

Le ministère de la justice, ayant conscience du manque d’enquêteurs spécialisés, demande aux magistrats du ministère public d’évaluer préalablement les dossiers et de fixer des directives précises d’enquête. Des trames d’auditions sont mis à leur disposition par la direction des affaires criminelles et des grâces.

La circulaire encourage également des saisies en valeur plus nombreuses et réalisées au plus tôt pendant l’enquête, en rappelant (quand même…) que les saisies se basent sur le montant de l’impôt éludé et non les sommes dissimulées. Les enquêteurs disposent désormais des accès aux fichiers de l’administration fiscale (FICOBA, FICOVIE) et les parquets ont pour consigne de de veiller à ce que la confiscation soit effectivement requise au stade du jugement.

Lorsqu’une fraude à l’impôt sur les sociétés ou à la TVA est en cause, les parquets et enquêteurs sont incités à procéder à des vérifications préalables sur l’entreprise concernée, son dirigeant, ainsi que ses associés en utilisant les accès ouverts au registre des commerces et sociétés (RCS) ainsi qu’au fichier national des interdits de gérer (FNIG).  Le parquet pourra ainsi saisir le tribunal de commerce en vue de l’ouverture d’une procédure collective et d’une éventuelle liquidation.

La circulaire insiste enfin sur le fait que la lutte contre la fraude fiscale passe également par les sanctions personnelles pouvant être prononcées à l’encontre du gérant, de droit comme de fait.

Les parquets pourront enfin s’appuyer sur les assistants spécialisés détachés par l’administration fiscale aux juridictions spécialisées. A l’inverse, deux services de l’administration fiscale à compétence nationale accueillent des officiers fiscaux judiciaires.

 

-          3ème axe : une répression pénale renforcée, grâce à de nouveau modes de poursuites et des sanctions pénales aggravées

La circulaire recommande de faire un usage « aussi large que possible » de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC), tant dans les cas de fraude des personnes physiques que morales et ce, quels que soient les montants fraudés. Encore faut-il que les faits soient reconnus et la sanction acceptée… mais il est évident que le ministère compte sur le recours à la CRPC pour permettre à l’institution judiciaire d’absorber l’augmentation des dossiers de fraude fiscale.

Le recours à la convention judiciaire d’intérêt public (CJIP) doit quant à elle être envisagée, selon la circulaire, en priorité dans des dossiers à fort enjeu financier.

S’agissant de l’aggravation des sanctions pénales, la circulaire rappelle que même s’il est soumis à conditions, le possible cumul des sanctions administratives et pénales a été confirmé par le Conseil Constitutionnel et la Cour de Cassation. La constitution de partie civile de l’administration fiscale à l’audience permet également à cette dernière de solliciter le prononcé de la solidarité fiscale, notamment du dirigeant pour les dettes fiscales de la société.

La circulaire insiste sur le fait que depuis 2018 le montant de l’amende prononcée pour le délit de fraude fiscale peut être porté au double du produit tiré de l’infraction ainsi que sur le prononcé obligatoire de deux peines complémentaires que sont l’affichage de la condamnation et l’inéligibilité.

 

Cette circulaire devrait convaincre, s’il en existe encore, ceux qui doutaient des intentions des pouvoirs publics de renforcer la lutte contre la fraude fiscale, non seulement sur le volet administratif mais également pénal.

Le nombre des poursuites pénales devrait donc s’accroitre considérablement dans les mois et années à venir, et aucune zone en France ne sera épargnée.

Notons pour conclure que la circulaire est signée uniquement par le directeur des affaires criminelles et des grâces du ministère de la justice, mais qu’elle précise expressément qu’une instruction de la DGFIP à ses services sera diffusée dans le prolongement de la présente circulaire. A suivre…

 

contact : geoffroy-wolf@arbor-tournoud.fr