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Jeudis des Fiscalistes - Geoffroy Wolf - L’entretien avec le vérificateur en présence de son supérieur hiérarchique, sur proposition de la CIDTCA , ne vaut pas entretien avec le supérieur hiérarchique à la demande du contribuable

Le 20 janvier 2022
Jeudis des Fiscalistes - Geoffroy Wolf -  L’entretien avec le vérificateur en présence de son supérieur hiérarchique, sur proposition de la CIDTCA , ne vaut pas entretien avec le supérieur hiérarchique à la demande du contribuable

CAA de DOUAI, 4ème chambre, 16/09/2021, 19DA01238

Rappelons que le paragraphe 5 du chapitre III de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié assure au contribuable la garantie substantielle de pouvoir obtenir, avant la clôture de la procédure de rectification, un débat avec le supérieur hiérarchique du vérificateur puis avec l’interlocuteur départemental ou régional.

La Cour Administrative d'Appel de Douai juge que l’entretien avec le vérificateur en présence de son supérieur hiérarchique, sur proposition de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires, ne vaut pas entretien avec le supérieur hiérarchique à la demande du contribuable.

La SARL SCP (la société) a fait l’objet d’une vérification de comptabilité qui s’est conclue par la notification une proposition de rectification. Les rectifications ont été maintenues pour l’essentiel malgré les observations et contestations de la société. Le différend persistant a été soumis, à la demande de la société, à la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires qui a prescrit, par un premier avis émis le 11 mars 2014 à l’issue de sa séance du 31 janvier 2014, un supplément d’instruction.

La commission a en effet demandé à l’administration et à la société de se rapprocher et de procéder à une instruction complémentaire en ce qui concerne la remise en cause de la déductibilité de charges et, à défaut d’accord, de lui soumettre à nouveau ce différend pour qu’il soit examiné au cours d’une autre séance.

La vérificatrice a alors proposé à la société de rencontrer ses représentants, dans les bureaux du service et en présence de sa supérieure hiérarchique directe. Cette dernière a, par un courrier adressé le 5 août 2014 à la société, confirmé à cette société qu’à l’issue de cette rencontre qui s’était tenue le 16 mai 2014 le désaccord persistait sur le caractère déductible de certaines dépenses. Par ce même courrier, cette autorité confirmait également que le différend persistant sur ce point serait de nouveau soumis à l’appréciation de la commission départementale.

La commission qui a en conséquence été saisie de nouveau, a, dans un avis émis le 14 octobre 2015, proposé une réduction des suppléments d’impôts et rappels de taxe contestés, tenant compte de l’admission d’une partie des dépenses en cause.

Après acceptation, le 3 novembre 2015, de cette proposition par l’administration, la société a demandé, par un courrier adressé au service par son conseil le 10 novembre 2015, à bénéficier « des recours hiérarchiques prévus par la charte du contribuable vérifié ». L’administration a alors proposé à la société que ses représentants soient reçus par l’interlocuteur fiscal interrégional et cet entretien s’est tenu le 14 décembre 2015.

En revanche, estimant que la société avait épuisé les voies de recours administratif qui lui étaient ouvertes dans le cadre de la procédure de rectification contradictoire, l’administration a refusé, le 29 décembre 2015, de faire droit à sa demande, en date du 21 décembre 2015, tendant à l’exercice du recours hiérarchique de second niveau.

L’administration considérait en effet que la réunion du 16 mai 2014 organisée dans le cadre de la réouverture de l’instruction du dossier sollicitée par la commission départementale devait être assimilée au recours hiérarchique de premier niveau. Dans cette vision, la réunion avec l’interlocuteur fiscal interrégional du 14 décembre 2015 constituait le recours hiérarchique de second niveau prévu par la charte du contribuable vérifié. L’administration refusait donc d’organiser un recours supplémentaire.

La Cour Administrative d'Appel de Douai, dans un arrêt en date du 16 septembre 2021 classé C+ a considéré qu’en s’abstenant, en dépit d’une demande suffisamment explicite et formée en temps utile par la société, d’ouvrir cette voie de recours à cette dernière, l’administration a commis une irrégularité de procédure.

La Cour a en effet jugé que la réunion qui s’est tenue le 16 mai 2014 dans les locaux de l’administration a été organisée par cette dernière, sur la proposition de la commission, afin d’approfondir l’analyse du dossier et le dialogue contradictoire avec la société en ce qui concerne la déductibilité de charges remise en cause et, le cas échéant, d’éclairer la commission en vue d’un nouvel examen de ce chef de rectification.

La Cour considère également qu’à la date de cette réunion, la société n’avait pas encore connaissance de la position prise par l’administration sur le différend les opposant, ni n’avait encore demandé à bénéficier des voies de recours hiérarchiques prévus par la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, ce qu’il lui était loisible de faire jusqu’à la mise en recouvrement des impositions.

Ainsi et contrairement à ce que soutenait l’administration, la réunion du 16 mai 2014 ne peut dans ces conditions être regardée comme procédant de la mise en œuvre de la voie de recours hiérarchique de premier niveau.

La Cour précise que l’irrégularité de procédure est constatée, sans qu’ait d’incidence le fait que les représentants de cette société ont pu s’entretenir, dans le cadre de l’exercice du recours hiérarchique de second niveau, avec l’interlocuteur fiscal interrégional.

L’irrégularité affectant la totalité de la procédure et tous les chefs de redressement, la société a donc été déchargée de l’intégralité des sommes mises en recouvrement suite à la procédure de redressement fiscal.

Soulignons, sur la question des recours hiérarchiques prévus par la charte du contribuable vérifié, les décisions qui jugent que la charte ne fait pas obstacle à ce que l'entretien organisé dans le cadre du recours hiérarchique de premier degré ait lieu avec l'interlocuteur départemental, ni à ce que le directeur remplace ce dernier dans le cadre de l'interlocution ; ou que les fonctions d’un agent, indépendamment de son grade, le plaçant à un rang hiérarchique plus élevé que le chef de brigade, l'habilitaient à exercer l'interlocution départementale sans avoir été spécifiquement désigné pour occuper cette fonction (cf par exemple : Cour administrative d'appel de Paris, 2ème Chambre, 11 décembre 2012, n° 11PA02119 ; Conseil d'État, Chambre Réunies, 26 décembre 2018, n° 421809)

Le contribuable peut fixer l'ordre des recours administratifs, à condition de respecter les règles propres à chacun (CAA Paris 4-10-2018 n° 17PA02130 : RJF 2/19 n° 124). Le contribuable a donc la liberté de saisir la commission avant de saisir les recours hiérarchiques.

Enfin, la Cour Administrative d'Appel de Lyon a affirmé le nécessaire contrôle du juge sur l'effectivité réelle d'un entretien avec l'interlocuteur départemental intervenant après que la commission des impôts directs s'est prononcée en faveur du maintien des impositions (CAA Lyon 27-6-2017 n° 15LY01203 : RJF 11/17 n° 1068).

Ces décisions soulignent l’importance de la bonne articulation des recours par les contribuables vérifiés pendant la procédure de redressement fiscal et la nécessité d’une analyse très précise des faits quant au contrôle de la réalité et de l’effectivité des recours.

Contact : geoffroy.wolf@arbor-tournoud.fr