Jeudis des Fiscalistes - Laetitia Pignier - Jurisprudence du cabinet - La caution donnée en matière fiscale doit respecter les mentions prescrites par le code de la consommation à peine de nullité (CA Grenoble, civ. 1, 11/05/2021 n°19/01598)
Il est fréquent, lorsqu’une société a fait l’objet d’un redressement fiscal et qu’elle sollicite un plan de règlement, que l’administration fiscale subordonne son accord au règlement échelonné des sommes mises en recouvrement à la souscription par le ou les dirigeants d’une caution personnelle.
Nombreux sont les dirigeants qui acceptent de se porter caution sans nécessairement en mesurer toutes les conséquences en cas de défaillance de la société.
En effet, dans cette hypothèse l’administration fiscale est fondée, sans avoir à émettre un avis de mise en recouvrement au nom de la caution solidaire, à poursuivre le recouvrement forcé immédiat des sommes non payées par l’entreprise sur le patrimoine personnel du dirigeant (CE, 17 décembre 2014 n°366882 8e et 3e s.-s, SCI rue du Bœuf).
Cependant la caution personne physique est fondée à invoquer les dispositions de l’article L331-1 du code de la consommation, au terme duquel, toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel fait précéder sa signature d’une mention manuscrite précisant le montant des sommes garanties et la durée de l’engagement pris.
Dans l’affaire jugée par la Cour d’Appel de Grenoble pour laquelle nous défendions le gérant d’une SARL ayant souscrit un engagement de caution solidaire en garantie de rappels d’impôts sur les sociétés et de TVA notifiés à l’entreprise, la mention manuscrite indiquait que « l’engagement aura effet du [date de sa signature] au règlement intégral des sommes dues » et était inséré en fin d’un acte dactylographié et signé par les parties qui spécifiait au paragraphe « durée » : « l’acte de cautionnement aura effet du [date de sa signature] au règlement intégral des sommes dues et sera renouvelable par tacite reconduction ».
La Cour d’Appel a fait droit à nos demandes tendant à voir consacrer la nullité et l’absence d’effet de l’engagement de caution pris par le gérant aux motifs que la mention manuscrite confortée par la mention dactylographiée caractérisait un engagement indéterminé contraire aux dispositions d’ordre public.
Cette décision n’est pas isolée et, il est régulier de parvenir à obtenir l’annulation de l’engagement de caution souscrit en garantie de dettes fiscales au regard des mentions portées sur les actes de cautionnement souscrits en garantie des dettes fiscales.
Les dirigeants actionnés en leur qualité de caution par l’administration fiscale ne devraient donc pas hésiter à contester la validité de leur engagement, étant entendu que la stratégie consistant à ne pas accorder de caution personnelle devrait être privilégiée par le chef d’entreprise (notamment en contestant les impositions et en sollicitant le sursis de paiement qui est de droit et qui interdit à l’administration fiscale de mettre en œuvre des mesures de recouvrement forcé jusqu’à l’issue du contentieux devant les Tribunaux de première Instance).
contact : laetitia.pignier@arbor-tournoud.fr
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