Jeudis des Fiscalistes - Geoffroy Wolf - Inexigibilité de la TVA sur un acompte versé sur une prestation de services si la réalisation de la prestation est incertaine (Conseil d'Etat - arrêt du 24/02/2021 n°429647)
Par un arrêt en date du 04/02/2021, le Conseil d’Etat a considéré qu’il résulte du c du 2 de l'article 269 du CGI, à la lumière de l'interprétation de l'article 65 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006, dont il assure la transposition, retenue par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), notamment dans ses arrêts Firin OOD du 13 mars 2014 (C-107/13) et Kollross et Wirtl du 31 mai 2018 (C-660/16 et C-661/16) que, si le fait générateur de la TVA et son exigibilité interviennent en principe au moment où la prestation de services est effectuée, la taxe devient toutefois exigible dès l'encaissement, à concurrence du montant encaissé, lorsque des acomptes sont versés avant que la prestation de services ne soit effectuée.
Selon les dispositions ci-dessus rappelées, le Conseil d’Etat juge alors que pour que la TVA soit exigible sans que la prestation de services ait encore été effectuée, il faut :
- D’une part, que tous les éléments pertinents du fait générateur, c'est-à-dire de la future prestation, soient déjà connus et donc, en particulier, que, au moment du versement de l'acompte, les biens ou les services soient désignés avec précision ;
- Et d'autre part, que la réalisation de la prestation de services ne soit pas incertaine.
Les circonstances de l’affaire soumise au Conseil d’Etat sont les suivantes.
La société F. a été assujettie, selon la procédure de taxation d'office, à des rappels de TVA au titre de la période du 1er janvier 2007 au 30 juin 2009.
La société F. avait encaissé le 20 août 2007 la somme de 436 226,38 euros HT à titre d'acompte pour l'exécution de travaux consistant en l'aménagement en quinze appartements d'un corps de ferme.
Or, cette somme avait été versée avant la délivrance du permis de construire, de telle sorte que la réalisation des travaux envisagés restait incertaine à la date de ce versement.
Le Conseil d’Etat a donc considéré qu’en jugeant que cette somme devait être soumise à la TVA au moment de son encaissement au motif qu'elle constituait le paiement anticipé d'une partie du montant des travaux, la Cour d’Appel a commis une erreur de droit.
Il est intéressant de noter que la société redressée a fait l’objet d’une procédure de taxation d’office, dans le cadre de laquelle la charge de la preuve pèse normalement sur le contribuable.
Cette décision ouvre de nouveaux horizons dans la défense des contribuables réalisant des prestations de services qui font l’objet de procédures de redressement en matière de TVA, en particulier lorsque l’administration procède à la reconstitution de la TVA collectée selon les encaissements.
contact: geoffroy.wolf@arbor-tournoud.fr
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