Jeudis des fiscalistes - Caroline Bosvy - Prolongation du délai de réclamation en cas de suspension du délai de prescription de la procédure de contrôle fiscal résultant de la crise sanitaire
Dans une récente décision, la Cour administrative d’appel de Lyon admet très clairement la recevabilité d’une réclamation contentieuse introduite dans le délai de reprise de l’administration, prolongé des délais accordés par les textes spéciaux ayant permis l’adaptation des délais de procédure de contrôle par l’administration fiscale durant la période sanitaire (CAA de Lyon, 5ème chambre, 07/12/2023, 23LY00365).
Pour mémoire, le contribuable qui désire contester tout ou partie d'une imposition doit d'abord adresser une réclamation au service territorial de l'administration fiscale dont dépend le lieu d'imposition, conformément à l'article R. 190-1 du livre des procédures fiscales.
Pour être recevable, la réclamation contentieuse considérée doit être présentée dans certains délais fixés par la loi.
A cet égard, plusieurs dispositions sont applicables selon qu’une procédure de rectification a été ou non entreprise par l’administration fiscale.
Ainsi, aux termes de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales : « Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts, doivent être présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas : a) De la mise en recouvrement du rôle ou de la notification d'un avis de mise en recouvrement (...) ».
L'article R. 196-3 du même livre prévoit que : « Dans le cas où un contribuable fait l'objet d'une procédure de reprise ou de redressement de la part de l'administration des impôts, il dispose d'un délai égal à celui de l'administration pour présenter ses propres réclamations ».
Il résulte des dispositions précitées qu'un contribuable qui a fait l'objet d'une procédure de reprise ou de rectification dispose, pour présenter ses propres réclamations, d'un délai égal à celui fixé à l'administration pour établir l'impôt, lequel expire, s'agissant en particulier de l'impôt sur le revenu, le 31 décembre de la troisième année suivant celle au cours de laquelle la proposition de rectification lui a été régulièrement notifiée.
Ainsi, d’une manière générale, un contribuable qui s’est vu notifier une proposition de rectification au cours de l’année 2017, concernant l’impôt sur le revenu, disposait d’un délai jusqu’au 31 décembre 2020 pour introduire une réclamation contentieuse à l’encontre des impositions supplémentaires.
Or, au cas particulier il convient de préciser que lors de la période d'urgence sanitaire, certains délais applicables aux procédures de contrôle et échus lors de cette période ont été suspendus.
Notamment, l'article 10 de l'ordonnance 2020-306 du 25 mars 2020 précise que : « I.- Sont suspendus à compter du 12 mars 2020 et jusqu'au 23 août 2020 inclus et ne courent qu'à compter de cette dernière date, s'agissant de ceux qui auraient commencé à courir pendant la période précitée, les délais : / 1° Accordés à l'administration pour réparer les omissions totales ou partielles constatées dans l'assiette de l'impôt, les insuffisances, les inexactitudes ou les erreurs d'imposition et appliquer les intérêts de retard et les sanctions en application des articles L. 168 à L. 189 du livre des procédures fiscales ou de l'article 354 du code des douanes lorsque la prescription est acquise au 31 décembre 2020 ; (...) ».
La Cour administrative d’appel de Lyon a ainsi considéré que ces dispositions qui prévoient la suspension du délai de prescription doivent être regardées comme autorisant symétriquement la suspension du délai de forclusion des actions visant à la contestation des impositions ayant bénéficié de la suspension du délai de reprise.
Ainsi au cas d’espèce, la proposition de rectification avait été notifiée le 21 décembre 2017 aux requérants.
L’administration fiscale avait bénéficié, du fait de la suspension intervenue du 12 mars au 23 août 2010, d'une prorogation du délai de reprise qui expirait le 31 décembre 2020, jusqu'au 14 juin 2021.
Symétriquement, le délai spécial prévu à l'article R. 196-3 du livre des procédures fiscales dont bénéficiaient les requérants pour contester les rectifications en litige expirait également à la date du 14 juin 2021.
La réclamation contentieuse présentée par les requérants le 9 juin 2021 n’était donc pas tardive, contrairement à ce que soutenait l’administration fiscale.
En première instance, la requête avait été jugée irrecevable, de sorte que l’affaire a ainsi été renvoyée au tribunal administratif de Lyon pour qu'il y soit statué à nouveau.
Juriste.
Contact : caroline.bosvy@arbor-tournoud.fr
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